Dans une analyse1 publiée en mai, nous écrivions qu’une réduction de l’écart de taux d’intérêt réels ou de croissance entre les États-Unis et leurs principaux partenaires commerciaux constituerait un indicateur suffisant de la faiblesse prolongée du dollar US. Or, à ce jour, ces conditions ne sont toujours pas réunies. Si cela n’a pas empêché le narratif sur la faiblesse du billet vert de prendre de l’ampleur, il est utile d’attirer l’attention sur le fait que cette faiblesse, qui relève plutôt de la perception que de la réalité, est en grande partie due à l’appréciation de l’euro, laquelle pourrait bien être excessive. En effet, l’économie américaine continue de résister, les écarts de taux d’intérêt restent favorables et la prime de risque du dollar semble supérieure au niveau suggéré par les risques sous-jacents. Tous ces facteurs donnent à penser que les perspectives concernant le billet vert sont donc meilleures que le sentiment du marché le laisse supposer.
L'indice du dollar US reflète principalement la vigueur – peut-être excessive – de l’euro
Le récit d’un dollar US en perte de vitesse a tendance à omettre le fait que les mouvements de ces derniers mois sur les marchés des changes découlent en grande partie de l’appréciation de l’euro. En effet, les indices larges du dollar, qui comptent des devises des économies émergentes, n’ont que modérément reculé par rapport à leurs sommets2.
L’appréciation de l’euro semble cependant en partie justifiée, puisqu’en adoptant un vaste plan d’investissement en mars dernier, l’Allemagne a renoncé à son traditionnel conservatisme budgétaire. Reste à savoir si cette hausse des dépenses se traduira par des capacités de production supplémentaires, ou si elle sera bridée par des goulets d’étranglement structurels.
L’Allemagne demeure en proie à des difficultés (pénurie de main-d’œuvre, excès de bureaucratie, etc.) qui pourraient limiter l’efficacité de ce plan de relance. Et si ces difficultés persistent, la hausse des dépenses pourrait alimenter l'inflation plus qu’elle ne stimulera la croissance économique. De plus, en concentrant la majeure partie des dépenses sur le court/moyen terme, les dirigeants politiques risquent de réduire le caractère urgent ou la volonté politique de mener des réformes structurelles difficiles et impopulaires.
S’il est difficile de savoir comment la situation évoluera, une chose est sûre : la vigueur récente de l’euro apparaît de plus en plus déconnectée des fondamentaux économiques sous-jacents de la zone euro. Comme nous l’indiquions dans notre précédente analyse3, d’après les prévisions, la zone euro pourrait afficher une croissance de seulement 1 % environ en 2025, sachant que l’Allemagne est attendue en quasi-stagnation4 – autrement dit, à des niveaux qui, en temps normal, ne permettent pas de soutenir une appréciation de la monnaie européenne.
Le niveau actuel du dollar US laisse espérer des taux réels américains faibles
La performance du dollar dépend de facteurs cycliques, tels que la croissance et les taux d’intérêt réels. Ces deux facteurs sont liés, puisqu’un écart de taux d’intérêt entre deux pays a tendance à s’accompagner d’un différentiel de croissance et d’inflation, une croissance supérieure se traduisant généralement par des taux d’intérêt plus élevés.