Quel est le rôle de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique ? La réponse à cette question varie selon le pays, mais aussi selon l’époque. Aujourd’hui, en dépit de politiques et de taux d’adoption différents à travers le monde, les réacteurs existants et nouveaux suscitent un intérêt croissant, y compris dans les pays traditionnellement hostiles à cette forme d'énergie. L’essor de l’intelligence artificielle (IA), réputée très énergivore, explique en partie cet engouement, mais elle n’est pas la seule : il est en effet de plus en plus considéré qu’une augmentation des capacités de production d’énergie nucléaire pourrait aider à décarboner les économies. Dans cet article, nous nous penchons sur quatre aspects du secteur de l’énergie nucléaire, pour aider les investisseurs à manœuvrer dans un environnement en pleine mutation et à en explorer les opportunités d’investissement.
1. La filière du nucléaire doit son renouveau à la nécessité de couvrir les besoins de sécurité énergétique, de fiabilité de la production d’électricité et de décarbonation des économies
« Nous entrons dans l’ère de l’électricité », souligne dans son étude annuelle l’Agence internationale de l’énergie (IEA), une époque caractérisée par une production industrielle en hausse, la généralisation des climatiseurs, l’accélération de l’électrification et la multiplication des centres de données à travers le monde. L’atome est présenté comme l’une des solutions pour satisfaire cette demande, tout en favorisant la transition énergétique.
Les arguments avancés par les partisans du nucléaire sont qu’en plus d’être bas carbone, il peut produire de l’énergie quasiment sans interruption, et représente ainsi une puissance de base stable à côté des énergies renouvelables dites intermittentes (solaire, éolien).
La guerre en Ukraine est un autre facteur à l’origine du regain d’intérêt pour le nucléaire, puisqu’elle a incité de nombreux pays, en particulier en Europe, à mettre l’indépendance et la sécurité énergétiques au premier rang de leurs priorités. Cette décision a impliqué un virage politique, y compris dans les pays qui avaient décidé de s’en détourner après l’accident majeur survenu en 2011 à la centrale de Fukushima. Il convient toutefois de noter que le risque d’accident nucléaire demeure la principale cause de réticence de certains pays à recourir à cette forme d’énergie.
La filière nucléaire produit environ 10 % de l’électricité dans le monde, et jusqu’à 20 % dans les pays développés. Ce niveau devrait rester stable jusqu’en 2050, si l’on en croit les perspectives publiées en 2024 par l’AIE, mais pourrait éclipser la frénésie à l’œuvre au sein de ce secteur : dans les pays développés, qui concentrent la majeure partie du parc nucléaire de la planète, on construit de nouvelles centrales et on prolonge la durée de vie de réacteurs existants.
Désormais, tous les types de pays s’intéressent à la filière nucléaire. Outre les États-Unis, la France et la Chine – les trois premiers producteurs au monde – qui ont tous des projets d’expansion, plusieurs pays d’Asie du Sud-Est et d’Afrique explorent cette technologie. Les toutes dernières manifestations d’un revirement international viennent d’ailleurs de la Banque mondiale, qui a décidé de lever l’interdiction – en vigueur depuis plusieurs dizaines d’années – du financement du développement de l’énergie nucléaire, mais aussi de la Banque asiatique de développement, qui envisage de lui emboîter le pas. Déjà, les investissements mondiaux dans l’énergie fissile ont augmenté de 50 % au cours des cinq dernières années. Et l’AIE table sur une hausse des capacités de production d’ici 2050. Ces derniers mois, les médias ont régulièrement relayé des annonces de changement d’orientation politique et de contrats, annonces qui impliquent souvent des acteurs du secteur technologique.
« Les centres de données exploités par les géants technologiques doivent être alimentés 24h/24. Or, le nucléaire est le seul combustible à pouvoir le faire sans émettre de dioxyde de carbone. Et plus une société technologique est engagée à atteindre la neutralité carbone, plus il y a de chances qu’elle choisisse de recourir à l’atome », constate Mark Casey, gérant de portefeuille actions chez Capital Group.